Voir les techniques de fabrication de la faïence
(source : encyclopédie de Félicé – 1778)
Les formes
On pourrait avoir l’impression que la production faïencière est réalisée à partir de quelques dizaines de moules qui donnent autant de formes plus ou moins reconnaissables. C’est une vision erronée de la production faïencière au XVIIIe et XIXe siècle.
En fait, les moules se comptent par centaines d’unités dans la plupart des manufactures, Auvillar y compris.
De fait, le nombre de formes non répertoriées peut être très élevé.
La première remarque que l’on peut faire concernant les moules utilisés à Auvillar est qu’en prenant en considération les seules pièces qui sont parvenues jusqu’à nous, le ratio des pièces de forme par rapport à la plâtrerie apparait particulièrement faible. Lors de l’inventaire de la fabrique Jean Verdier Cadet à Papayette, en 1801, on trouve : assiettes, plats ronds ou longs, saladiers, compotiers et jattes, écuelles et soupières, cruchons, seaux à bouteilles, cafetières, solitaires et gobelets avec soucoupes, écritoires, bouquetiers, bénitiers et pots à tabac.
L’état des fabriques de 1804 ajoute les objets suivants : pots à eau, pots de nuit, salières, tasses.
Les saladiers sont très présents à Auvillar, godronnés sur la face intérieur, déclinés en 3 dimensions, soit environ 24, 27 et 30cm de diamètre, à festons de bordure réguliers, au nombre de 30 ou 32, ou à festons alternés.
Autre particularité d’Auvillar, le nombre relativement élevé, en proportion, de bouquetières à tuyaux. Mais s’agissant de pièces décoratives, elles ont sans doute moins souffert que les pièces d’usage et ont peut-être été l’objet de plus d’attentions de la part des collectionneurs ou des familles qui en ont hérité.
Il n’y a pas à Auvillar, de même que dans les autres manufactures françaises, de rupture entre les formes produites au XVIIIe et au XIXe siècle. De nouveaux moules sont certes créés pour répondre à l’évolution du marché et de la mode. Ainsi voit-on apparaître des formes de soupières plus stylisées, d’où les godrons, très présents au XVIIIe siècle, ont disparu. Pour les soupières, on constate également que seules les poignées ou la prise de couvercle sont modifiées. Ainsi un bouton de préhension rond et plat remplace-t-il désormais la prise en forme de fruit, classique au XVIIIe siècle.
A Auvillar, certaines formes d’assiettes demeurent inchangées, et des pièces des années 1770/1780 se retrouvent à l’identique avec des décors différents, 50 ans plus tard. C’est le cas par exemple pour un moule à 12 lobes, attesté à la fabrique Ducros.
Si les assiettes rondes sont présentes à Auvillar, la majeure partie de la production se compose d’assiettes festonnées à aile godronnée. Au XVIIIe siècle, ces assiettes comportent d’abord des festons de 2 ou 3 largeurs alternées, à l’image de Moustiers et d’autres fabriques du Sud-Ouest. Puis à partir de la Révolution, ce type de moules coexiste avec des assiettes à festons réguliers, dont le nombre dépend du diamètre de l’assiette.
Les nombres de festons les plus fréquents à Auvillar sont : 30, 32, 35, 36, 40, 48 et 50. Ces deux derniers types étant en règle générale pour les assiettes à peignés bleus de 21,7 à 22 cm de diamètre.
L’assiette contournée à 8 lobes est le deuxième moule le plus utilisé à Auvillar. Les lobes sont assez peu cintrés, peut-être dû à l’usure des moules. Comme la majorité des assiettes à 32 et 35 festons, elles se caractérisent également par un fond plat (revers). On trouve également des assiettes à 6 accolades, des assiettes de type nivernais, des calottes diverses et quelques assiettes octogonales au début du XIXe siècle, témoins de l’influence grandissante des formes mises à la mode par la faïence fine.
Côté plats, on en trouve aussi à 12 lobes, et à bords contournés à 3 ressauts qui rappelle la production de Lunéville, à bord en accolade avec un léger ressaut. Le modèle le plus fréquemment rencontré est un plat ovale contourné polylobé présent au XVIIIe siècle et qui semble s’imposer au XIXe siècle, décliné en 5 grandeurs.
D’autres pièces de forme sont également fabriquées au XIXe siècle à partir de moules utilisés au XVIIIe siècle : saladiers, huiliers, bouquetières à tuyaux…
Les décors
A Auvillar, très tôt, on constate le développement d’uns stratégie d’exploitation optimale des décors existants.
Le décor central par exemple, peut être décliné dans une multitude de compositions, de variations et de coloris. Si l’on considère les décors floraux, par exemple une rose peut figurer seule au centre d’une pièce. Mais elle peut également être accompagnée de décors annexes plus ou moins complexes. On voit par exemple des décors avec une rose centrale accompagnée d’une tulipe sur le côté, et l’inverse avec une tulipe centrale accompagnée par une rose. On peut ainsi multiplier l’offre de décors à moindre coût.
Les variations de coloris sont également systématiques. L’efficacité est telle qu’il faut parfois à l’amateur quelques temps pour prendre conscience qu’il s’agit d’un seul et même décor.
Quant aux décors d’aile, on constate à la même époque l’apparition de ce qui s’apparente à de véritables registres ou bibliothèques de motifs décoratifs dont les multiples combinaisons permettent de donner l’illusion d’un renouvellement permanent.
L’apparition des peignés bleus est due à deux facteurs. L’un est économique, la réalisation d’un peigné étant plus rapide que celle des décors d’aile décrits ci-dessus, et donc d’un coût moindre. L’autre est lié à la mode qui dès la fin du XVIIIe siècle popularise ces peignés qui sont adoptés dans de nombreuses faïenceries, sans pour autant faire disparaître les pièces qui comportent un décor floral ou un galon à l’aile.
Plus surprenant, les faïenciers auvillarais empruntent des systèmes décoratifs d’aile à d’autres faïenceries hors sud-ouest, faïenceries bourguignonnes et de l’Est de la France. Il ne s’agit pas de copier mais de traiter les décors d’aile “à la manière de”. On voit donc apparaître des motifs d’aile de type galon ou guirlande qui évoquent les faïences de l’Est (Les Islettes, Waly…), du Nivernais ou de l’Auxerrois. Cette production était peut-être destinée à des marchés sur lesquels les pièces nivernaises ou de l’Est trouvaient un débouché important, tels que le Centre ou la Charente.