Extrait du catalogue sur la faïence et la terre vernissée d’Auvillar (2015 – Jean Darrouy).
Dans la statistique de 1806, Lafont du Cujula indique que chaque fabrique emploie de 10 à 12 ouvriers, soit un total allant de 70 à 80 personnes environs. Un rapport de la sous-préfecture de Moissac de 1833 indique que les 9 faïenceries auvillaraises emploient 250 ouvriers. Un courrier du maire l’année suivante fait état de 200 ouvriers. C’est tout à fait considérable. En même temps, il y a 65 ouvriers à Martres-Tolosane pour 9 fours et 100 ouvriers à Toulouse pour 16 fours.
Auvillar est donc à cette époque un centre faïencier de toute première importance.
En 1848, la Statistique de France Industrie précise que les 6 fabriques auvillaraises restantes occupent la moitié des ouvriers qu’elles occupaient autrefois à raison de la faible demande, soit toutefois 100 ouvriers ce qui est loin d’être négligeable. Une statistique de 1853 compte encore 125 ouvriers à Auvillar, ce qui démontre que l’activité reste soutenue.
Il convient de noter qu’au début du XIXe siècle, diverses catégories de personnel sont encore mal ou non répertoriées. Ainsi les ouvriers non qualifiés, manœuvriers, journaliers, très nombreux à Auvillar, travaillent-ils de façon occasionnelle ou non dans les fabriques, certains étant de petits paysans pauvres qui cherchent un complément de revenu en louant leurs bras à la journée. Il y a également le problème des enfants qui à l’époque travaillent dans les faïenceries et sont diversement décomptés selon les fabriques. Les chiffres avancés pour cette période sont donc très vraisemblablement inférieurs à la réalité.
Les métiers
Historiquement, le personnel se compose, de bas en haut de la hierarchie, des mouleurs, tourneurs, ouvriers peintres, peintres. A Auvillar, selon la statistique de 1806, les ouvriers tourneurs peuvent gagner de 4 à 5 francs par jour, alors que les autres gagnent 1,50 francs à 2 francs par jour. En 1852, les salaires n’ont pas augmenté pour les hommes de plus de 15 ans, le salaire des femmes étant nettement inférieur, 0,60 francs par jour pour celles qui ont plus de 15 ans et 0,40 francs pour les autres.
Pour les peintres en particulier, il est difficile de dresser un état des lieux précis à Auvillar, car si certains peintres s’installent définitivement dans la ville où ils exercent leur métier, nombreux sont ceux dont la présence dans telle ou telle manufacture n’excède pas quelques mois. La mobilité des peintres est une réalité, et beaucoup n’hésitent pas à aller là où les salaires et les conditions de travail sont les plus favorables. Les seules sources disponibles pour les répertorier à l’heure actuelle étant les registres paroissiaux ou d’état civil, ils n’y figurent donc pas.
On ne peut donc que se contenter des peintres répertoriés. Ce sont d’abord Joseph Delondre et Claude Turvas. Le peintre le plus emblématique d’Auvillar, Mathieu Rigal, apparait dans les registres paroissiaux le 7 janvier 1756, en tant que parrain de Mathieu Ducros, lors de son baptême.
Né le 21 septembre 1719 à Fontanes (Lot, au sud de Cahors), il travaille d’abord à Ardus (nord de Montauban sur l’Aveyron) entre les années 1745 et 1750. Il se marie à Auvillar en novembre 1758 avec Marie Serres, soeur d’Antoine Serres, faïencier rue Jonqua, qu’il rejoindra après avoir travaillé dans la fabrique Ducros.
La présence de ce peintre, connu principalement pour de remarquables pièces signées peintes à Ardus, est un indice fort de la qualité du travail exécuté à Auvillar à cette époque. En effet, les peintres de talent sont l’objet de convoitises des faïenceries concurrentes qui n’hésitent pas à surenchérir pour s’assurer la présence de peintres prestigieux pouvant satisfaire toutes les commandes, même les plus exceptionnelles.
Son fils Pierre sera également peintre en faïence, et on connait de lui une gourde avec décor d’Arlequin. Il se consacrera par la suite à la peinture sur toile. On trouve d’ailleurs ses œuvres dans plusieurs églises (Daubèze, Astaffort, Monclar, Caudecoste, Brugnens…).
Autre peintre de talent présent à Auvillar, Antoine Quijou, en 1789 lors de la naissance de son fils Guillaume, dont le parrain est Guillaume Ducros. Il va demeurer plusieurs années à Auvillar avant de retourner à Ardus. Originaire de Lorraine et peintre à la fabrique Lapierre de Montauban dès 1781, il s’y marie en 1784. Peintre également exceptionnel, maîtrisant aussi bien la peinture en grand feu qu’au réverbère, il a laissé un recueil de “secrets pour peindre au réverbère sur la faïence”, ainsi qu’un autre “pour peindre en grand feu”, qui témoignent de ses compétences techniques.
Deux autres peintres avec cette seule fonction sont connus, Pierre Nègre et Nicolas Dumon, mais on ne connait pas leur travail à Auvillar.
Un certain nombre de faïenciers ou fabricants de faïence, qui n’ont peut-être pas pu être tous répertoriés, ont aussi exercé une activité de peintre. C’est le cas de François Nervaise, natif d’Auvillar (Castérus à 2km d’Auvillar), connu également comme faïencier, présent à la fabrique Ducros place St-Pierre pendant plus de 20 ans à partir des années 1770. Il y a également Antoine Serres, le fondateur de la fabrique rue Jonqua, d’abord peintre à Auvillar dès la fin des années 1760. Proche de François Ducros, c’est à lui que ce dernier demande d’être témoin le 30 mai 1770 à l’occasion d’un transfert de biens entre son épouse Marie Bézus et lui-même, suite à la vente d’une maison à Bordeaux. Citons également Géraud Verdier, peintre à la fabrique Ducros.
Les différents métiers dans les fabriques sont très fluctuantes selon les actes et les années, pour une même personne. On peut les trouver tour à tour, faïenciers, ouvriers en faïence, ou tourneur. Peu de mouleurs ont pu être répertoriés, mais Guillaume Soules, présent à Auvillar dès 1761, est l’un des rares mouleurs désignés comme tel. Cependant, entre 1761 et 1766, il sera également tourneur en faïence et faïencier. Il sera même fabricant de faïence en 1783.
le moule signé d’Antoine Marcellou et daté de 1777 conservé au Musée du Vieil Auvillar a attiré l’attention sur ce personnage. En fait, il travaille déjà à Auvillar en 1763, avec la naissance de son fils Pierre. En 1768, lors du baptême de sa fille Jeanne, il est tourneur en faïence puis dirigea un temps la faïencerie de Nègrepelisse avant la révolution.